En écoutant la jeune fille et la mort de Franz Schubert
J’ai réalisé ces dessins un soir, en écoutant La jeune fille et la Mort, de Franz Schubert. J’ai dessiné de façon frénétique, essayant d’accompagner la musique avec mon geste. Puis, j’ai recherché la ligne « pure ». J’ai joué avec l’équivalent du silence en dessin, le vide. Je cherchais LE geste. Cela m’a permis de comprendre ces artistes qui exposent des peintures minimales, avec un seul trait. J’avais l’impression qu’ils se moquaient du monde. Et puis j’ai pu imaginer que leur trait avait du sens. En tout cas, les miens en ont, pour moi. J’espère qu’ils en auront aussi pour vous.
Après avoir écouté deux fois le morceau, je me suis posée, et j’ai sélectionné mes dessins préférés, que j’ai parfois complétés, repris, précisés.
Puis j’ai pensé à quelques poèmes que j’avais écrits il y a un certain temps déjà, et qui prenaient sens ici. Et voilà.
Magnifique jeunesse.
La jeune fille,
Consciente de sa beauté,
De la fraîcheur de ses courbes,
Derrière ses longs cils colorés
Guette le désir qu’elle crée.
Son rire magnifique
Tinte dans ses cheveux bouclés.
Ses yeux sourient,
Ses lèvres sont une invite
À une fête secrète et improvisée.
Elle regarde le monde autour d’elle.
Il lui appartient,
Il tourne au gré de ses envies.
Les autres n’ont qu’à bien se tenir.
La mort en face.
Mon regard s’est posé
Sur le miroir de la salle de bain,
Et j’ai vu, derrière moi,
Une femme inconnue, nue,
Me sourire et me tendre les bras.
Son sourire était troué
Et ses bras décharnés,
Ses cheveux de sorcière
Lui cachaient les yeux.
Ses seins flétris
Pendaient lamentablement
Et son sexe était blanc.
J’ai hurlé de terreur
Un goût de sang m’a envahie
Mon cœur s’est retourné
Je me suis évanouie.
Quand j’ai rouvert les yeux,
Elle avait disparu.
Je me suis longuement douchée,
Parfumée, maquillée, habillée avec soin.
Impossible d’oublier
Son odeur d’égout
Qui s’accroche à mes vêtements.
Impossible d’ignorer
Son rire terrifiant
Et ses paroles
Si simples et pourtant si étranges :
« Toi aussi, tu es mortelle ! »
La mort est venue dans ma maison.
J’étais partie au marché,
J’avais bien rangé et astiqué,
Le salon sentait bon la cire,
Les vitres étincelaient dans le soleil.
J’ai choisi de belles tomates,
Bien rouges,
Quelques pêches et un citron.
Je suis retournée vers la maison.
Le ciel s’est curieusement assombri,
Pourtant, il n’y avait pas de nuages.
J’ai eu un léger malaise
En mettant la clé dans la porte.
J’ai ouvert, je suis rentrée,
Et je t’ai vue,
Etendue sur le parquet du salon,
Les yeux révulsés, la bouche ouverte,
Le fauteuil renversé auprès de toi,
Un verre brisé au bout de tes doigts.
Je n’ai pas compris.
J’avais pourtant fermé à double tour.
Tu ne devais ouvrir à personne.
Est-ce sa beauté qui t’a troublée ?
Rendez-vous manqué
J’ai habillé mes ongles de rouge,
J’ai dessiné sur mes doigts
De charmantes arabesques.
J’ai longuement brossé mes cheveux,
Je les ai décorés de fleurs et de parfum.
J’ai maquillé mon corps
D’une robe couleur de miel
Et mis à mes chevilles
Des anneaux de musique.
J’ai garni mes mains de chansons
Et dans mes yeux, allumé
Le soleil de juillet.
Et je suis venue vers toi.
J’ai marché longtemps
Dans la poussière et la chaleur
Sans m’arrêter
Malgré mes chaussures d’or.
Au bout de mon voyage
J’ai trouvé porte close.
J’entendais des murmures de toi,
Et puis ton rire,
Mêlé à d’autres voix.
Alors mon amour
A éclaté en dix morceaux.
J’ai gardé le plus coupant
Pour le chemin du retour.
Vertige
Agrippée à ta main
Je sens que je pars
Je tombe dans un puits
Sans fond
Ton sourire
N’arrive pas à me retenir.
Et un à un
Tes doigts se défont.
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